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Les troubles du comportement alimentaire et les traumatismes sexuels



Et si les TCA étaient liés à des traumatismes d'ordre sexuel ?


L'anorexie mentale, la boulimie et l'hyperphagie peuvent-elles découler de traumatismes sexuels ?



Les causes d'un trouble du comportement alimentaire sont bien souvent multiples et variées, en fonction de chaque personne. Cependant, certains éléments se retrouvent fréquemment dans le vécu des personnes atteintes de TCA, comme par exemple les traumatismes sexuels.


Dans cet article, nous allons nous intéresser aux traumas sexuels et sur leur possible rôle dans le développement d'un trouble du comportement alimentaire.





Qu'est-ce qu'un TCA ?


Avant toute chose, il est important de définir ce qu'est un trouble du comportement alimentaire (TCA).

Un trouble du comportement alimentaire est une perturbation du fonctionnement alimentaire et du rapport à l'alimentation.


Classiquement, on compte trois TCA : l'anorexie mentale, la boulimie (de type I et de type II) et l'hyperphagie.

Il existe également des troubles du comportement alimentaire mixte, bien qu'ils ne soient pas clairement définis.


Chacun de ces troubles possède des symptômes spécifiques, mais tous ont en commun un dysfonctionnement du comportement alimentaire.


Le but de cet article étant de s'intéresser aux possibles liens entre traumas sexuels et TCA, je n'entrerai pas plus en détail dans l'explication de ces troubles.

Cependant, si vous souhaitez plus d'informations, un article complet sur les TCA est disponible sur le blog !



Qu'est-ce qu'un traumatisme psychique ?


Un traumatisme psychique est un état psychologique particulier faisant suite à un ou plusieurs événements choquants, chargés de terreur, d'horreur et de sentiment d'impuissance.

Le traumatisme peut être "simple" : un événement survient de façon ponctuelle, unique ou "complexe": l'événement traumatique se répète.

Ce sont les traumatismes de type I et II.


Ce ou ces événements difficiles engendrent donc une blessure psychologique profonde et marquent fortement le psychisme : c'est le traumatisme.


Les réactions à un traumatisme psychique sont multiples; on retrouve souvent des sentiments de détresse, de peur, ainsi que de l'anxiété et du stress importants.

Dans certains cas, un syndrome de stress post-traumatique se développe. Les symptômes principaux de ce syndrome sont une sensation de revivre l'événement via des pensées, des flashbacks, des cauchemars, un état d'alerte constant, de l'angoisse...


Les réactions à un traumatisme psychique sont généralement lourdes et perturbent le fonctionnement psychique ainsi que la vie dans toutes ses sphères, de façon temporaire ou durable.


En effet, il n'est pas rare de remarquer un impact perdurant dans le temps. Le comportement de la personne traumatisée peut changer, parfois drastiquement. Souvent, un ou plusieurs troubles psychologiques se développent, comme par exemple une dépression, un trouble anxieux, un trouble du comportement alimentaire...



Le traumatisme sexuel


Un événement traumatique peut revêtir plusieurs formes; il peut s'agir d'une exposition à une catastrophe, à la mort, de violence physique, psychologique ou encore sexuelle.

C'est sur ce dernier cas que nous nous pencherons.


Un traumatisme sexuel peut, lui aussi, prendre plusieurs formes. Il peut s'agir d'inceste, de viol, d'attouchements, d'abus, de harcèlement, de mutilations génitales...


Un traumatisme sexuel peut être unique ou répété, commis par une personne inconnue ou non. Il peut tout à fait s'agir d'un.e conjoint.e, d'un membre de la famille, un ami, une connaissance plus ou moins proche, un collègue, un supérieur hiérarchique...


Bien que les femmes soient plus souvent touchées, tout le monde peut être victime d'un trauma sexuel, qu'importe le genre et l'âge.



TCA et traumatisme sexuel : quels liens ?


Les causes d'un trouble du comportement alimentaire sont multiples et variées. Elles diffèrent en fonction des personnes, de leur vécu et de leurs expériences. De plus, un seul élément n'est pas suffisant pour faire apparaître un TCA.


Bien que les origines d'un TCA soient diverses, certains facteurs apparaissent de manière récurrente dans le vécu des personnes atteintes de TCA. Parmi eux, on retrouve le traumatisme sexuel.


Alors, quel est le lien entre TCA et trauma sexuel ?


1. Se protéger


Le traumatisme sexuel, quel qu'il soit, est une véritable effraction psychique et physique.

Le corps et l'esprit sont violentés, violés. Les barrières psychique et physique, protectrices, sont forcées, brisées, ce qui est extrêmement choquant et violent pour le corps et le psychisme.


Le conscient et l'inconscient sont tous les deux fortement impactés et le trauma marque le corps et le psychisme.

Un tel traumatisme laisse une sorte de "trou" dans le psychisme. Les enveloppes protectrices du corps et de l'esprit ont été violées et le besoin de venir combler ce trou et de se protéger apparaît.

C'est donc un des rôles du TCA : protéger, combler.

En effet, le TCA va venir combler ce trou, comme dans la boulimie ou l'hyperphagie : se remplir de nourriture pour venir combler quelque chose. Combler ce trou, c'est se "réparer", quelque part. Dans le cas de l'anorexie mentale, la gestion de ce trou psychique est un peu différente; éviter de manger, c'est éviter d'introduire des choses en soi, c'est empêcher que quoique ce soit entre dans ce trou.

Ces processus inconscients visent à se protéger, à protéger cette faille que le trauma a engendré.


2. Le contrôle


Subir un traumatisme revient à subir l'impuissance, l'impossibilité de contrôler tout ce qui peut nous arriver dans la vie.

Ce manque de contrôle et cette impuissance sont également très présents dans les traumas sexuels. Le fait de ne pas pouvoir contrôler ce qui nous arrive, ce qui arrive à notre corps est extrêmement violent à vivre.

C'est pourquoi le besoin de contrôle se fait bien souvent ressentir après un traumatisme; on a besoin de nous contrôler, contrôler notre corps, les événements de notre vie. Cela permet de se rassurer, de se donner la sensation que tout est sous contrôle; inconsciemment, ceci donne au psychisme l'impression qu'il n'aura pas à endurer un nouveau traumatisme.


Contrôle = pas de traumatisme


L'exercice d'un contrôle sur soi, sur sa vie est également un moyen de gérer et s'approprier son traumatisme.


Je n'ai pas pu contrôler ce qui m'est arrivé, mais maintenant je contrôle, il ne m'arrivera rien.


Bien sûr, il s'agit de processus psychologiques inconscients. L'esprit fait de son mieux pour survivre à ce qui lui est arrivé.

Les TCA font partie de ces tentatives inconscientes de gérer le traumatisme et son impact grâce au contrôle.

L'anorexie mentale est le trouble du comportement alimentaire exerçant le plus de contrôle; l'anorexie pousse à contrôler son esprit, son corps, son alimentation, son poids... C'est une lutte constante contre son corps, ses besoins, ses sensations.


Je n'ai pas pu contrôler mon corps et ce qui lui est arrivé, maintenant je le contrôle.


L'anorexie mentale est donc, quelque part, une tentative de contrôler ce qui arrive à son corps, de le maîtriser pour reprendre le contrôle sur lui, sur soi et sur le traumatisme subi.


3. Le lien au corps


Après un traumatisme sexuel, le lien au corps se retrouve souvent perturbé. Il peut être perdu, dysfonctionnel, difficile...

Certaines personnes ne ressentent plus leurs corps, ou le ressentent trop, le rejettent, le méprisent...


Dans le cas des TCA, le trouble peut être un moyen de retrouver, renouer un lien avec son corps.

Le TCA peut constituer un moyen de ressentir son corps, d'avoir un lien avec lui via des sensations extrêmes telles que :

  • des vomissements (boulimie type purgatif, anorexie mentale)

  • une faim extrême (anorexie mentale)

  • du sport intensif (boulimie type purgatif, anorexie mentale)

  • une ingestion de grandes quantités de nourriture (hyperphagie, boulimie)

  • douleurs abdominales (hyperphagie, boulimie)

Toutes ces sensations intenses et souvent douloureuses permettent de ressentir son corps, de faire un lien avec lui, de s'assurer qu'on ne l'a pas perdu.


4. L'image du corps


Le lien au corps est fortement impacté après un trauma sexuel, tout comme son image. Beaucoup de victimes ne savent plus comme voir leur corps, comment le penser et comment se sentir vis-à-vis de lui.

Comme nous l'avons vu, la violation du corps brise et troue ses barrières, et tend également à les déformer.

L'image du corps se retrouve alors fracturée, trouée et déformée.

Certaines personnes rejettent totalement l'image de leur corps, se sentent dégoûtées et parfois lui attribuent la faute.


C'est à cause de toi, mon corps, que j'ai été abusé.


De plus, la société tend à sexualiser le corps féminin, suggérant qu'une jupe courte est un comportement de séduction, par exemple. Il est donc logique de penser que, lorsque les victimes de traumas sexuels sont des femmes, la tendance à blâmer le corps est quelque part "encouragée" par ce que dit la société.


Dans l'anorexie mentale, on assiste souvent à un amaigrissement, ce qui revient, pour les corps féminins, à perdre des formes, de la poitrine, des fesses... Cette forme d'effacement du corps féminin peut être vue comme une tentative inconsciente de supprimer tout ce qui peut être "sexuel". Revenir à un corps "plus enfantin", c'est se protéger contre le sexe, la sexualisation et donc de possibles traumatismes sexuels.

Ceci peut être retrouvé également dans les cas de boulimie non purgative et d'hyperphagie; la prise de poids peut correspondre à une forme d'effacement" du corps, quelque part.


Cela peut être vu comme une tentative de se "cacher", de se faire disparaître...


L'image du corps déformée se retrouve beaucoup dans les TCA; se voir plus gros qu'on ne l'est en réalité, différent de ce à quoi ne ressemble réellement, faire des fixettes sur des parties du corps...

Cette difficulté d'appréhender son corps traduit à quel point l'enveloppe psychique et corporelle a été perturbée...


5. La haine de soi/son corps


Un traumatisme sexuel impacte souvent l'estime, la confiance et l'amour de soi, de façon négative.

L'estime de soi globale est touchée, ainsi que le corps et son image, son ressenti.

Après une agression sexuelle, il est fréquent d'assister à un rejet, un dégoût et une haine de son corps. Il peut être perçu comme la "cause", la "raison" pour laquelle l'agression est arrivée...


C'est de ma faute, je portais des vêtements courts

C'est de ma faute, j'ai une grosse poitrine

C'est de ma faute, je suis comme ci, comme ça...


Bien sûr, ces idées sont erronées; l'agression n'est la faute que de l'agresseur. Cependant, il est normal qu'une victime de trauma sexuel développe de telles croyances; c'est là encore une tentative inconsciente de reprendre le contrôle sur ce qui est arrivé : si c'est de ma faute, je peux agir et empêcher ça.


Ce type de pensées ont de graves conséquences sur le psychisme et la santé; elles impactent l'estime de soi, le bien-être psychologique, la santé mentale et, parfois, physique.


En effet, ces pensées participent au déclenchement et au maintien des TCA; souffrir d'un TCA c'est souffrir physiquement, c'est malmener son corps et le forcer à mourir de faim (anorexie mentale), à vomir (boulimie avec purge, anorexie), le remplir à l'excès (boulimie, hyperphagie), lui faire mal...

Tout cela revient à le punir.


Toute cette souffrance et cette cruauté peuvent refléter la haine vis-à-vis de son corps, celui qui porte la faute du traumatisme.


6. Le rejet du corps


Le rejet de son corps rejoint les idées présentées précédemment.

En effet, d'un traumatisme sexuel découle souvent une estime de soi dégradée, un dégoût, une haine de son corps, ainsi qu'un rejet.


Le rejet du corps s'explique par la faute qui peut parfois lui être attribué, ainsi que par le dégoût et la détresse de devoir vivre dans un corps abusé.

Cela peut se traduire par la volonté plus ou moins inconsciente de rejeter, voire supprimer le corps qui a "causé le trauma" et qui a subi le trauma.

Vivre dans le corps agressé, c'est vivre avec le traumatisme pour toujours. Cette perspective peut être source d'intenses détresse et souffrance.


Ce corps violé est souvent source de dégoût; la victime se sent sale, constamment sale et dégoûtante et a besoin de se nettoyer, se purifier, se purger.


Ces idées s'expriment au travers des TCA; faire souffrir son corps, c'est le rejeter.

Le modifier, par une prise de poids ou par un amaigrissement, c'est le changer, c'est avoir un corps différent de celui qui a subi le traumatisme.

Le priver de nourriture, le faire vomir, c'est le rejeter, le purger.

Le remplir, c'est l'étouffer, le submerger.




Conclusion


Il existe de nombreux liens entre traumatisme sexuel et trouble du comportement alimentaire.

Bien sûr, je tiens à préciser que tous les processus décrits dans cet article sont des manifestations psychiques principalement inconscientes et involontaires.

Les personnes souffrant de TCA ne font pas exprès d'en souffrir, ne font pas exprès d'avoir ces symptômes.


De plus, bien que les TCA et traumas sexuels soient liés, ces liens ne sont pas automatiques. Toutes les personnes atteintes de TCA n'ont pas subi de traumatisme sexuel et toutes les victimes de traumatisme sexuel ne souffrent pas de TCA.


Je tiens également à souligner le fait que le traumatisme sexuel ne constitue pas le seul facteur de développement d'un trouble du comportement alimentaire, même si son rôle est important.


Il est important de faire les liens entre TCA et traumas sexuels. Cela permet d'ouvrir des pistes thérapeutiques, en travaillant sur le trauma afin de le soigner et donc de soigner le TCA.

En plus d'aider la thérapie, ce lien permet de faire de la prévention; une attention (non envahissante et non intrusive) peut être portée sur le comportement alimentaire d'une personne victime de trauma sexuel.

Faire le lien entre TCA et trauma sexuel peut aider à réaliser à quel point un traumatisme, notamment sexuel, peut affecter la santé mentale et générale.



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